jeudi 28 janvier 2016

La Vieille ficelée ligotée

La vieille ficelée ligotée a fait une incursion à l'Espace d'art La Terrasse de Nanterre. Créée au cours de l'atelier d'arts plastiques du mardi qui a lieu dans cet espace, avec son fichu de paysanne russe, sa tunique de lin ficelée de raphia, ses bottes de cuir et son visage silencieux, elle s'est tenue debout pour interroger les oeuvres de l'Exposition Le sens de la Peine... Toute ligotée et ficelée qu'elle est, reçoit-elle la peine comme une sentence ou comme une souffrance ?





Elle s'est tout d'abord arrêtée devant les particules rouges de velours gratté de Maro Michalakalos. On lui a expliqué qu'il s'agissait du sang d'Hélène, immense voile de velours grenat, corps flottant, corps chimérique qui pend dans le puits de lumière. Corps prisonnier/libéré de la femme, coupable de beauté









Elle a affronté les cerveaux en silicone de Rachel Labastie."Cerveau, champ de bataille de nos prisons mentales, seul champ pourtant où peut souffler le vent de la liberté". Tout auprès des cerveaux, elle a feuilleté "L'exécution" de Robert Badinter en écoutant la Fin de mots de Frank Smith à travers les écouteurs.










Elle a longuement échangé avec la sculpture de Joanna Malinowska, le Cercle de la vie, "un cercle qui, du foetus au squelette, en passant par tous les âges de la vie, se referme sur notre condition humaine. Là est emprisonné le temps possible qu'il nous est donné de vivre. Le cercle peut être plus ou moins grand, nos années de vie plus ou moins longues, mais le cercle ne saurait s'ouvrir".










Derrière le cercle de la Vie, était dessinée sur le mur l'entrée de la maison d'arrêt des Hauts de Seine. En limaille de fer projetée sur une toile aimantée, cette oeuvre a été réalisée in situ par Nicolas Daubane qui explique : "Je réalise des dessins avec de la limaille de fer. Je considère cet état de matière comme le symbole des traces d’une évasion : en limant les barreaux de la cellule, nous partirons les mains recouvertes de limaille".





La vieille ficelée ligotée a ri devant la masse absurde et pleureuse Purger sa peine de Céline Cadaureille. Elle a déambulé sur le plan au sol de la prison panoptique de la Petite Roquette installé par Laure Tixier, s'est étonnée devant les photographies des mises en lumière de modèles réduits de James Casebere, s'est interrogée en regardant le Mal de frontières de Mounir Fatmi, la vidéo Prison de Ali Kazma,  la lumière penchée des photographies de cellules carcérales de la prison abandonnée de Sainte-Anne en Avignon prises par Jean-Michel Pancin, la série de dix vidéos intitulée Ten years in Jail de Jhafis Quintero,

Et enfin, en partant, elle s'est longuement arrêtée sur la place Nelson Mandela pour admirer l'installation des sculptures en bois d'olivier et fils de fer barbelés réalisées par Abdul Rahman Katani.

 



jeudi 21 janvier 2016

L'humain d'abord / debout...


Il y a des créativités foisonnantes, de l'ordre du jaillissement et de l'explosion. D'autres sont des sources paisibles et patientes. En ce moment, je fais plutôt dans le jaillissement explosif, la profusion, le collectif, le "Tous ensemble", le multiple, le divers, les mouvements pluriels. C'est pourquoi, quand Catherine Van den Steen nous a proposé de bricoler un personnage debout pour commencer à travailler sur l'humain en volume, dans l’esprit d’Alex Burke dont nous avons côtoyé les poupées exposées pendant trois mois à l'Espace d'art des Terrasses, j'ai pensé non pas à UN mais à DES personnages, non pas à une figure individuelle mais à un groupe.

J'ai pris des bouteilles vides de différentes formes, mis des boules à la place du bouchon pour représenter la tête, je les ai recouvertes avec des chaussettes noires et collé des autocollants récupérés pendant des manifs... Simple, efficace, les messages des autocollants ressortaient. Genre: "Quand on est de gauche, on partage bien plus que des miettes", "Egalitée", "L'humain d'abord".

Catherine Van den Steen a remarqué avec raison que mes bouteilles habillées n'étaient que le support des slogans. Elle m'a demandé pourquoi toutes les figures étaient noires et ce que signifiait l'autocollant "Egalité(e)".

"Quand on est une femme ou quand on est noir, c'est plus compliqué d'être égal(e)" : Ce fut ma première réponse mais la question a continué à résonner et elle a débouché sur la personnalisation des figures, leur individuation. J'ai donc entrepris de les coiffer, les vêtir, leur coudre des yeux et une bouche. Elles sont femmes, elles sont noires, elles n'ont pas la même taille, l'une a des cheveux de paille et un poncho latino américain, l'autre une coiffe africaine et un collier, une autre porte un bébé dans son châle de dentelle. Dans ce processus de "personnalisation", j'ai eu envie de les nommer et j'ai brodé leurs prénoms : Léopoldine, Maria-Elena, Lilah. J'ai aimé à prendre le temps patient de la broderie pour matérialiser à travers leurs noms les personnes représentées par mes bouteilles habillées. J'ai pris du plaisir à "créer de la personnalisation", à matérialiser "l'humain d'abord".

Ecouter Tracy Chapman "Talkin' about a revolution"