Où l’on apprend à faire parler des souliers.
Des niches, creusées dans un mur blanc, sont fermées par une cloison translucide. Cette dernière est cousue à même le mur, par de gros points de suture. En
s’approchant, on distingue à l’intérieur des souliers de femme. Quelles
étranges boîtes à chaussures ! À qui appartiennent-elles ? Pourquoi
sont-elles cachées de la sorte ?
C’est une idée de l’artiste Doris Salcedo, qu’elle a conçue en réaction à une période sombre de la Colombie... Dans
les années 1990 marquées par la guerre civile, des Colombiens
s’opposent fermement au gouvernement corrompu et aux cartels de drogue
tout-puissants. La réponse de ces derniers est glaçante : des villages
entiers sont décimés. Au cours de ses recherches, Salcedo réalise
que ces meurtres violents visent bien souvent des femmes, presque
toujours défigurées par leurs ravisseurs. Leurs chaussures sont parfois
le seul moyen d'identifier les corps.
C’est pourquoi l’artiste les expose avec tant de soin : par paires, dépareillées, ou orphelines, ces chaussures témoignent avec force de ces crimes.
Et Salcedo a choisi de présenter des chaussures typiquement féminines, pour bien rappeler au public que les femmes n'ont pas été épargnées par le conflit.
Très impliquée, elle a rencontré des familles de victimes pour écouter leur douleur et leur demander la permission d’utiliser les chaussures des disparues. Elle
les expose ainsi, telles des reliques, pour rendre hommage à chacune de
ces femmes. Salcedo s’interroge : "La mémoire des victimes anonymes est
toujours négligée, j'essaie de la restaurer, autant que possible. Mais
bien évidemment je n'y arrive pas".
Source : Artips
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