mercredi 1 mars 2017

Chaussure à conviction


Où l’on apprend à faire parler des souliers.

Des niches, creusées dans un mur blanc, sont fermées par une cloison translucide. Cette dernière est cousue à même le mur, par de gros points de suture. En s’approchant, on distingue à l’intérieur des souliers de femme. Quelles étranges boîtes à chaussures ! À qui appartiennent-elles ? Pourquoi sont-elles cachées de la sorte ?

C’est une idée de l’artiste Doris Salcedo, qu’elle a conçue en réaction à une période sombre de la Colombie... Dans les années 1990 marquées par la guerre civile, des Colombiens s’opposent fermement au gouvernement corrompu et aux cartels de drogue tout-puissants. La réponse de ces derniers est glaçante : des villages entiers sont décimés. Au cours de ses recherches, Salcedo réalise que ces meurtres violents visent bien souvent des femmes, presque toujours défigurées par leurs ravisseurs. Leurs chaussures sont parfois le seul moyen d'identifier les corps.
C’est pourquoi l’artiste les expose avec tant de soin : par paires, dépareillées, ou orphelines, ces chaussures témoignent avec force de ces crimes. Et Salcedo a choisi de présenter des chaussures typiquement féminines, pour bien rappeler au public que les femmes n'ont pas été épargnées par le conflit.

Très impliquée, elle a rencontré des familles de victimes pour écouter leur douleur et leur demander la permission d’utiliser les chaussures des disparues. Elle les expose ainsi, telles des reliques, pour rendre hommage à chacune de ces femmes. Salcedo s’interroge : "La mémoire des victimes anonymes est toujours négligée, j'essaie de la restaurer, autant que possible. Mais bien évidemment je n'y arrive pas".


Source : Artips

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